Le weekend dernier, dans un village non loin de ma demeure, je suis entré dans le bar associatif de la placette sur laquelle se tenait un petit marché anémique. Quelques autochtones vieillissants se livraient avec componction à des infidélités envers les hypermarchés des bourgs circonvoisins alors que trois couples de citadins de passage et habillés de frais faisait la queue devant les étals du maraicher, du producteur de fromages de chèvres et, bizarrement, d’un marchand de bonbons au chocolat.
Ayant des invités pour le weekend, mon frigo se trouvait déjà fort tancké de victuailles. Je n’avais donc aucune raisons de m’attarder sur la place; en revanche la perspective d’un petit noir me souriait.
Poussant la porte vitrée à l’ancienne, quelle ne fut pas ma surprise de trouver accoudé au comptoir le génial Z. Luchador échangeant quelques banalités avec le tenancier. Cela faisait quelques semaines que je n’avais pas eu l’occasion de croiser ZL, et je ne pouvais pas laisser passer une pareille occasion.
Je l’abordais donc tout de go.
- Salutations Maître, m’autorisez-vous à recueillir votre divine pensée ?
- Soit. Mais soyons brefs. Je dois partir dans trois minutes, car j’ai un bourguignon qui finit de mijoter et il ne faudrait pas que la sauce attache.
- Que pensez-vous de l’état du monde ?
- Sans doute faites-vous allusion aux différents conflits en cours.
- En effet.
- Il me semble que nous nous sommes déjà entretenus à ce sujet par le passé. Reprenez vos notes. Ce qui se passe au Moyen Orient, en Europe de l’Est ou bientôt en Mer de Chine n’est que l’expression de la fin du cycle financier qui est arrivé à ses extrêmes limites. Les destructions et les violences ne visent qu’à faire perdurer le système politico-financier en place, à le remettre en selle. Les désastres et les souffrances que subissent les pauvres gens qui se trouvent au mauvais moment au mauvais endroit ne sont que des statistiques aux yeux des personnes à la manœuvres (que d’aucun nomme « l’élite »).
- Mais alors que faire ?
- Décidément, vous ne suiviez jamais ce que je dis. Je me demande pourquoi je daigne vous adresser la parole. J’espère que vos lecteurs sont moins neuneus que vous. Je viens de répondre. Le seule chose à faire pour le vulgum pecus, c’est de ne pas se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, voilà tout.
- Mais en pratique, comment savoir où ne pas se trouver ?
- Oui, évidemment, il faut un minimum de discernement. Ce dont vous sembler manquer d’évidence. Je vais tout de même vous donner un indice, avant que je file et vous laisse avec l’addition. Le comportement idoine, c’est de ne pas suivre la foule, de ne pas hurler avec loups et de faire exactement le contraire de ce que préconise la majorité. C’est simple et cela marche toujours !
- Merci Maître.
- Passez le bonjour à madame votre mère si elle est encore de ce monde.
En définitive, j’ai commandé un petit verre de calva avant de ressortir sous le pâle soleil de la fin mars.