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25 nov. 2008

Critique radicale de la démocratie. 1


Nous sommes souvent appelés à valider une décision grâce à l’expression d’une majorité de suffrages.

Cette méthode de validation des options est tellement encrée aujourd’hui dans notre paysage intellectuel que nous sommes rarement amenés à nous interroger sur sa légitimité. Au fond, comme d’évidence la raison des plus nombreux est toujours la meilleure, la légitimité du vote n’est jamais remise en question. Pour le dire autrement le résultat d’un vote, s’il est libre et régulier, nous semble nécessairement le meilleur choix possible… voir même, la seule expression rationnelle de la volonté collective, c'est-à-dire la seule expression possible et indépassable de la démocratie.

C’est que le vote est pratique, il suffit de voir un groupe d’enfants l’employer naturellement pour décider s’ils vont jouer à colin-maillard ou à cache-cache pour percevoir sa terrible efficacité. Dès cinq ans, nos chers petits comprennent comment l’utiliser, voire le manipuler. Nous pouvons observer que le vote intervient parmi les enfants quasi spontanément quand il n’y pas consensus, c'est-à-dire, en pratique, quand il y a désaccord ou possibilité voire suspicion de désaccord. En effet, quel est l’intérêt d’appeler au vote si l’on sait d’avance que tout le monde est du même avis ? C’est bien lorsque qu’il y a divergence d’opinion que le vote semble avantageux, qu’il est censé servir à quelque chose.

Une suspicion naturelle nous assaille d’ailleurs lorsqu’un suffrage conduit à une quasi-unanimité. Nous supposons alors, souvent avec raison, quelque truquage ou quelque manipulation.

Nous voyons donc bien que le vote est censé être utile uniquement lorsqu’il s’agit de décider dans une situation où les gens ne sont pas d’accord.

La question de la légitimité de l’élection peut se poser néanmoins avec acuité si l’on veut bien considérer avec une froide objectivité les nombreux problèmes posés par les différentes applications de ce système présenté toujours comme universel et indépassable.

Contrairement aux apparences et à une croyance tenace, l’expression du vote n’est pas logiquement et mathématiquement le meilleur moyen d’exprimer la volonté collective. En fait, il l’est mais, malheureusement, uniquement dans un seul cas limite, celui ou il n’y a que deux options possibles, un seul vote (c'est-à-dire pas de votes successifs), et un corps électoral homogène. Dans tous les autres cas le suffrage majoritaire n’est pas la meilleure expression de la volonté du corps électoral.

Il est facile de constater que ces conditions ne sont pratiquement jamais atteintes dans le monde réel, en effet :

- il y a toujours plus de deux options offertes... car notre monde n’est pas du tout binaire
- le vote s’inscrit dans une temporalité, une succession de choix dont les précédents influent sur les suivants
- Le corps électoral, « le peuple », n’est pas homogène mais ses opinions, ses appartenances et ses goûts sont multiples voire variables

Dès lors, les élections conduisent systématiquement à un choix sub-optimal. Pire encore, au fur et à mesure que les systèmes réels dits démocratiques évoluent, ils s’éloignent de ces conditions « idéales ».

C'est-à-dire que les choix possibles sont de plus en plus nombreux et complexes, que l’historique des suffrages précédents pèse de plus en plus lourd sur le suffrage en cours et, pour finir que le corps électoral se fragmente en corps de plus en plus petits, nombreux, complexes et souvent antagonistes.

De fait, dans ces conditions réelles, les résultats des votes tendent à s’éloigner dans des proportions de plus en plus grandes des aspirations de chacun et surtout de l’intérêt du plus grand nombre. Vous comprenez pourquoi la seule institution à s’être élevée en 1848 contre l’établissement du suffrage universel a été l’Académie des Sciences qui avait déjà en sa possession tous les outils théoriques pour percevoir l’inanité de ce système sans avoir sur ce thème, à l’époque, les idées préconçues stérilisantes d’aujourd’hui.


11 commentaires:

Suicufnoc (jr) a dit…

et tu proposes quoi à la place ?

Suicufnoc (jr) a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
patbac a dit…

Tout cela est fort intéressant, et intellectuellement attractif, mais comme Suicufnoc (jr) je m'interroge...

Quelle alternative ?

Plongeons trois secondes dans un passé plus ou moins loin, selon les civilisations, et observons la pratique sportive plus connue sous le doux nom exotique et frétillant de "Loi de la Jungle" ("Jungle Law").

Il s'agissait, en fait, d'une autre forme de règle pour valider des choix et des décisions. L'option de celui qui restait debout, arqué sur ses jambes, prévalait sur celle des autres empêtrés dans leur tripes. C'était pas forcément complètement idiot et ça a fonctionné pas mal de siècles.

Ça avait en tout cas le mérite d'être clair.

(La suite plus tard)

Suicufnoc (jr) a dit…

d'autant que l'on peut considérer qu'imposer une décision sous prétexte de majorité est une forme de violence...d'autant plus inacceptable que la majorité est courte (suivez mon regard)

Z/.

patbac a dit…

D'accord sur cette violence masquée qu'est l'imposition sans nuance d'un programme, par une masse à une une autre masse inférieure en nombre. Après la force donc, une autre valeur, le nombre. Et pourquoi ne pas envisager, la couleur (déjà pris...), le sexe (ça aussi c'est déjà pris...), l'intelligence (relative), la vitesse, le poids, la taille ?

Il est intéressant de d'envisager l'hypothèse que le contraire, une minorité imposant à une majorité, existe également dans certains pays civilisés (que l'on peut certes estimé être retournés à la barbarie) et que ce système fonctionne aussi bien dans le principe.

Je parle des dictatures et autres "républiques autoritaires". Un ami (T.B.) m'avait jadis passé un article paru dans le magazine "Pour la Science" dans lequel une équipe de chercheurs avait mis en évidence que le nombre de mécontents était équivalent dans un régime démocratique et dans un régime dictatorial.

Je précise aussitôt que mon choix de vie se porte bien sûr sur le premier pour d'autres multiples raisons.

Il semblerait donc que, quel que soit le critère établi, le nombre de mécontents demeure constant...ca

Suicufnoc (jr) a dit…

J'aime bien cette approche logique formelle.

Si je te comprends bien, même si le vote majoritaire n'est pas sensé fonctionner, la proposition inverse ne marche pas non plus : la décision de la minorité imposée à la majorité n'est pas légitime, quel que soit le critère de discrimination choisi. N’est pas là une critique encore plus radicale en définitive ?

clodlemaire a dit…

Bizarre idée que d'opposer "démocratie" à "dictature"...j'aurais plutôt pensé au mot "autocratie"...
Pour l'instant j'en suis là de mes réflexions, mais je vais plagier Swartzenegger : "I will be back"

clodlemaire a dit…

Etant entendu que BoB sait ce que je pense, mon dernier message est plutôt une réaction au commentaire de Patbac daté du 28 nevembre(mais qui se cache derrière ce pseudo?)

patbac a dit…

"Dictature", "Autocratie"... c'est kif-kif, la dictature étant une forme d'autocratie. Il me paraissait plus important d'intervenir sur le fond que sur la forme... j'ai dû me tromper de blog...

En outre, je vois que vous vous connaissez tous déjà très bien et, pour une raison que j'ignore, je sens une forme d'hostilité à peine larvée de la part de clodlemaire. Je vais me retirer des lieux et vous laisser entre vous, disserter sur ces valeurs fondamentales.

Hasta luego !

Anonyme a dit…

Je prends le film en cours de route, et décide de revoir le commencement. Désolé du retard...
Bien, moi qui suis très encré dans la réalité immédiate, je sens qu'il va me falloir me replonger dans la théorie.
Ne sachant trop vers quel direction on se dirige, j'attends le 2è épisode (qui existe déjà puisque je suis en retard). Je suis moi-même dubitatif sur l'aspect totalement démocratique qui existe en France alors que le travaille opérationnel des partis vont à l'encontre de ce système. Mais je pense que ce n'est pas le débat, donc je me mets en pause.
Une petite bricole de forme vis à vis du narrateur, à corriger s'il le veut bien:
"il y a toujours plus de deux alternatives car notre monde n’est pas du tout binaire "
Une alternative puisqu'une alternative implique deux choix.

ZL a dit…

Bonne remarque, merci. Je corrige.
B.O.B.

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